Mouvement "Europe & Laïcité"
L'état de la laïcité:
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La laïcisation des esprits et des modalités de vie s'est surtout développée dans les pays de tradition catholique. Sans entreprendre une étude détaillée et en se limitant aux réalités contemporaines et "séculières", il est intéressant de noter les évolutions positives les plus marquantes survenues ces dernières années, à la fois dans le sens d'une décléricalisation, d'une émancipation des mentalités et d'une laïcisation progressive des législations, d'une "sécularisation", comme on dit dans beaucoup de pays. L'explication en est simple: les contraintes dogmatiques liées au cléricalisme romain ont suscité dans de nombreux états des réactions d'opposition et des luttes émancipatrices qui durent encore et qui aboutissent à des avancées laïques en cours d'approfondissement. Quelques avancées cléricales sont également mentionnées.
Le pluralisme confessionnel, largement oecuménique pour ce qui concerne le maintien des avantages acquis (financiers notamment), n'empêche pas une indiscutable évolution de l'opinion, favorable à une décléricalisation de la législation. On rappelle:
le jugement de la Cour suprême imposant la suppression des crucifix dans les établissements publics, et
la considérable diminution du nombre de familles se réclamant de l'appartenance à une religion.
Le Land de Brandebourg a supprimé l'enseignement obligatoire de la religion. (E&L 147, 4.1996)
Dans les laender de l'Est, des lois régionales limitent l'enseignement religieux dans les écoles, et promeuvent au contraire l'extension d'une tradition de cérémonie civique et laïque pour les jeunes à l'âge de l'adolescence, l'absence de référence religieuse dans le déroulement de la vie publique, émancipent les services publics et sociaux des captations cléricales.
Les organisations religieuses tentent de recléricaliser la vie collective avec l'aide du pouvoir fédéral et du Vatican; mais la lutte pour la promotion de la laïcité est intense sur le plan associatif.
(*) Dans la partie ex-occidentale de l'Allemagne, les femmes ont du mal à s'émanciper d'un statut moral inspiré de "la règle des trois K": Kirche (église), Kindern (enfants), Küche (cuisine). La laïcisation progressive des mentalités au sein de l'opinion publique "sécularisée" permet une évolution positive, que combat vainement la droite cléricale allemande.
L'état belge n'est pas officiellement séparé de l'Eglise, bien qu'il n'y ait pas de religion nationale, le catholicisme étant néanmoins le culte officiel de la monarchie belge. Le communautarisme est le principe fondamental de la société et du système belge, y compris sur le plan linguistique. (Le trilinguisme y est très désintégrateur). Il n'existe pas de laïcité institutionnelle qui puisse constituer d'élément fédérateur de la société. L'état belge existe, mais il n'existe pratiquement pas de véritable Nation belge, par manque d'unité morale du pays (*) et par absence de solidarité citoyenne.
Le souci essentiel des laïques belges est de recevoir pour leur "communauté", autant de subsides, d'accès aux média, d'agréments sociaux, de rôles culturels et de représentativité reconnue, que les communautés religieuses et ethniques. Pour des raisons historiques, originelles et institutionnelles, la laïcité n'est pas en Belgique, une valeur légale instituée, même dans les esprits. Cela n'empêche pas les laïques belges de militer activement pour la défense de leur éthique propre et pour l'extension équitable de leurs intérêts communautaires.
(*) L'absence d'unité morale du pays est telle que le régionalisme politique a dû être institué en 1981. Il s'est aggravé au point de mener le pays à la limite de l'éclatement: la communauté flamande (devenue riche, très catholique et cléricale, largement influencée par le souvenir des positions "rexistes") réclame son indépendance, et la Wallonie, plutôt francophone et francophile est, dans une large mesure "rattachiste" vis-à-vis de la République Française, mais sans accepter totalement le système républicain de laïcité institutionnelle à la française, sauf sur le modèle (contraire à la constitution française) du Concordat en vigueur en Alsace et en Moselle, hérité de la législature allemande. Un rattachement dans de telles conditions, renforcerait les tentations d'une partie de l'opinion publique wallone pour "l'Europe des régions" et le démantèlement de l'unité nationale française.
Voir l'étude particulière de J. Bézecourt sur ce pays.
En Italie comme en Espagne, la laïcité marque des points au niveau des modalités de la vie sociétale et des moeurs, mais les lois suivent avec retard l'évolution des esprits. La forte imprégnation historique et traditionnelle d'un catholicisme formel (voire folklorique), n'empêche pas les laïques de se battre avec pugnacité sur le plan de l'enseignement et du refus de l'état-civil encore souvent aux mains de l'Eglise catholique. En outre, dans les deux pays, les très fortes pulsions régionalistes (voire séparatistes) compliquent encore les choses et nuisent au sentiment de cohésion nationale inséparable de la laïcité institutionnelle, telle que nous la comprenons en France.
En Espagne, la constitution de 1978 proclame qu'il n'y a pas de religion d'Etat; mais l'enseignement confessionnel (catholique) est financé par l'Etat.
En Italie, le Concordat de 1929 est toujours en vigueur; la constitution de 1948 a institué une certaine séparation (elle a supprimé la qualité de fonctionnaire des membres du clergé, laïcisé le système de santé) mais elle condamne le blasphème, finance les écoles religieuses, conserve l'enseignement religieux dans les écoles publiques. La pratique religieuse ne concerne que 20% de la population.
Septembre 1997: L'Eglise reprend en mains le quatrième groupe de presse italien.
Suite à la publication d'articles jugés non conformes aux positions de l'Eglise par le groupe de presse "les éditions paolines de Milan" dirigé par un ordre religieux propriétaire de deux journaux, le pape a nommé un délégué pontifical chargé reprendre en mains les journalistes, afin d'éviter "les dérapages qui fourvoient et scandalisent les fidèles". Et pour le prélat normalisateur, "celui qui entre dans un organe de l'Eglise doit savoir qu'il ne travaille pas dans un milieu sans convictions". La liberté de la presse et des journalistes ne fait pas partie de ces convictions-là.
Le Saint-Siège et le Vatican.
Le Saint-Siège est une entité juridique chapeautant à la fois l'Eglise catholique et l'Etat de la Cité du Vatican (44 hectares). C'est un état théocratique dont le monarque est détenteur de tous les pouvoirs, à tous égards. C'est le seul chef d'état d'Europe à pratiquer l'absolutisme, aussi bien politique que religieux.
Alors qu'en principe un état indépendant pourrait avoir des relations officielles avec la Cité du Vatican, en fait l'Eglise catholique refuse de dissocier les deux caractères (civil et religieux) de sa nature, et n'admet de reconnaissance qu'avec le Saint-Siège, cela afin de ne pas marginaliser cet organisme religieux et de lui donner une stature internationale (que les autres religions n'ont jamais cherché à se faire reconnaître). Dans tous les cas où des relations diplomatiques sont nouées entre un Etat et le Saint-Siège, le Vatican feint de considérer que la demande en a été faite par l'état considéré, dans un esprit de soumission à l'Eglise, même si celui-ci n'admet pas cette façon de voir.
Ni la Cité du Vatican ni le Saint-Siège ne sont signataires de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Ni l'un ni l'autre ne sont membres de l'Union Européenne, ni de l'ONU. Cela n'empêche pas l'Eglise catholique de disposer d'un siège d'observateur privilégié à l'ONU, et de solliciter la reconnaissance d'un nonce apostolique auprès de l'Union Européenne. Vis à vis des deux assemblées internationales, le Saint-Siège prétend faire prendre en compte ses propres positions politiques et théologiques. Cette prétention est en contradiction avec son refus d'admettre le principe de laïcité. Par le moyen de cette reconnaissance officielle par les états, l'Eglise se prétend habilitée à intervenir dans la vie politique intérieure des nations et des regroupements internationaux.
Quand le Pape visite un Etat, la réception officielle qui lui est accordée est toujours ambiguë dans sa justification, puisqu'il se prétend Chef d'Etat alors qu'il est avant tout chef religieux, les deux rôles étant inséparables. (On l'a bien vu en France en 1996 et en 1997 -- (documents du site personnel de B. Courcelle)).
Un lobbying efficace a provoqué l'échec, avec une marge très étroite, des efforts visant à libéraliser l'avortement. [source: Golias no 56, septembre 1997, "La nouvelle croisade de Jean-Paul II contre les femmes."]
En Suède, il n'existe de contrainte religieuse pour personne ... sauf pour le roi qui doit obligatoirement appartenir à la religion réformée dont il est le chef. A partir de 2000, la Suède apliquera la loi de séparation de l'Etat et des religions votée en 1995.
Au Danemark, l'Etat est lié à l'église luthérienne. Les pasteurs sont formés dans l'université (publique) et sont rémunérés comme fonctionnaires et officiers d'état-civil. Les autres religions sont reconnues mais non financées.
(*) C'est une femme (Mme Robinson) qui est actuellement présidente de la République; elle a été élue en dépit de ses positions largement favorables aux thèses laïques, et en dépit de l'opposition du clergé catholique à sa candidature.
L'opposition des libres-penseurs britanniques (en net accroissement numérique) à la religion d'Etat, se double souvent d'une attitude très critique vis à vis de la monarchie: les sympathies néo-républicaines (minoritaires mais en voie d'extension) apparaissent comme favorables au principe de séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Outre l'Ecosse traditionnellement catholique et volontiers autonomiste, les contestations les plus virulentes de l'anglicanisme dominant, se manifestent en Irlande du Nord, où les affrontements nationalistes se doublent d'une haine persistante entre catholiques et protestants (unionistes anglicans, dominateurs et oppresseurs de la minorité catholique, par ailleurs défavorisée sur le plan socio-économique)
Contrairement aux apparences de paix civique et de citoyenneté harmonieuse, la Grande-Bretagne connaît des problèmes en gestation qui l'amèneront inévitablement à modifier ses structures internes et sa politique dans le sens d'une prise en compte des valeurs laïques. Des mouvements philosophiques (se référant à la libre pensée) y sont impliqués, et démontrent que pour la laïcité, il n'est pas de combat impossible.
Les rivalités haineuses gréco-turques aux limites de l'Union Européenne, se doublant d'une opposition religieuse enracinée, justifieraient de promouvoir la laïcité.
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