Le Syllabus de Pie IX:
un manifeste contre les libertés individuelles
et la laïcité.

Le goupillon: un coup à gauche, un coup à droite.

Le 3 septembre 2000 seront béatifiés en même temps le pape Jean XXIII (promoteur du Concile Vatican II, honnis des traditionnalistes de Saint-Nicolas du Chardonnet, et coqueluche des cathos de gauche - c'était attendu) et, tenez vous bien: Pie IX, l'auteur du Syllabus (1864), texte condamnant la liberté de pensée, la liberté religieuse, la laïcité, la recherche philosophique, la critique linguistique des textes "sacrés".

Le Syllabus a été publié dans la collection Libertés des (défuntes) Editions J.J. Pauvert, 1967, collection dirigée par JF Revel qui a depuis viré dans le religieusement correct à la sauce Nouvel Observatore Romano. Le texte du Syllabus se trouve sur Internet. Ci-dessous, des extraits significatifs.

Le plus rigolo est que le texte est un catalogue de propositions réputées erronées.
La réfutation est pour l'essentiel, contenue dans le titre. Donc, s'il l'on en trouve chez un bouquiniste un exemplaire ayant perdu sa couverture, on peut croire être tombé sur un manifeste laïque, rationaliste ou émanant de catholiques "libéraux".

RÉSUMÉ
RENFERMANT LES PRINCIPALES ERREURS DE NOTRE TEMPS

QUI SONT SIGNALÉES
DANS LES ALLOCUTIONS CONSISTORIALES,
ENCYCLIQUES ET AUTRES LETTRES APOSTOLIQUES DE
N. T. S. P. LE PAPE PIE IX.

§ I. Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu.

I. Il n'existe aucun Être divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa providence, qui soit distinct de l'univers, et "Dieu" est identique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements; "Dieu", par cela même, se fait dans l'homme et dans le monde, et tous les êtres sont "Dieu" et ont la propre substance de "Dieu". "Dieu" est ainsi une seule et même chose avec le monde, et par conséquent l'esprit avec la matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le mal, et le juste avec l'injuste.

[Les guillemets sont de B. Courcelle]

II. On doit nier toute action de "Dieu" sur les hommes et sur le monde.

III. La raison humaine, considérée sans aucun rapport à "Dieu", est l'unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal: elle est à elle-même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles à procurer le bien des hommes et des peuples.
...

VI. La foi du Christ est en opposition avec la raison humaine, et la révélation divine non seulement ne sert de rien, mais encore elle nuit à la perfection de l'homme.
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VII. Les prophéties et les miracles racontés dans les "saintes" Écritures sont des fictions poétiques, et les "mystères" de la foi chrétienne sont le résumé d'investigations philosophiques; dans les livres des deux Testaments sont contenues des inventions mythiques, et Jésus-Christ lui-même est un mythe.

§ II. Rationalisme modéré.

VIII. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les sciences théologiques doivent être traitées comme les sciences philosophiques.

IX. Tous les dogmes de la religion chrétienne sans distinction sont l'objet de la science naturelle ou philosophie; et la raison humaine n'ayant qu'une culture historique, peut, d'après ses principes et ses forces naturelles, parvenir à une vraie connaissance de tous les dogmes, même les plus cachés, pourvu que ces dogmes aient été proposés à la raison comme objet.

XII. Les décrets du Siège apostolique et des Congrégations romaines empêchent le libre progrès de la science.

XIII. La méthode et les principes d'après lesquels les anciens docteurs scolastiques ont cultivé la théologie ne sont plus en rapport avec les nécessités de notre temps et les progrès des sciences.

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§ III. Indifférentisme, Latitudinarisme (sic!).

XV. Chaque homme est libre d'embrasser et de professer la religion qu'à la lumière de la raison il aura jugée vraie .

§ IV. Socialisme, Communisme, Sociétés secrètes, Sociétés bibliques, Sociétés clérico-libérales.

Ces sortes de pestes sont à plusieurs reprises frappées de sentences formulées dans les termes les plus graves par l'Encyclique Qui pluribus, du 9 novembre 1846 etc....

§ V. Erreurs relatives à l'Église et à ses droits.

XIX. L'Église n'est pas une vraie et parfaite société pleinement libre; elle ne jouit pas
de ses droits propres et constants que lui a conférés par son divin Fondateur, mais il appartient au pouvoir civil de définir quels sont les droits de l'Église et les limites dans lesquelles elle peut les exercer.

XX. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l'assentiment du gouvernement civil.

XXI. L'Église n'a pas le pouvoir de définir dogmatiquement que la religion de l'Église catholique est uniquement la vraie religion.
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XXIV. L'Église n'a pas le droit d'employer la force; elle n'a aucun pouvoir temporel direct ou indirect .

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XXXII. L'immunité personnelle en vertu de laquelle les clercs sont exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation de l'équité et du droit naturel. Le progrès civil demande cette abrogation, surtout dans une société constituée d'après une législation libérale.

XXXV. Rien n'empêche que par un décret d'un Concile général ou par le fait de tous les peuples le souverain pontificat soit transféré de l'Évêque romain et de la ville de Rome à un autre Évêque et à une autre ville.

[L'idée est amusante; les romains seraient bien débarrassés du vampire qui pompe les finances de la ville.]

§ VI. Erreurs relatives à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports avec l'Église.

XL. La doctrine de l'Église catholique est opposée au bien et aux intérêts de la société humaine.
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XLV. Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles la jeunesse d'un État chrétien est élevée, si l'on en excepte dans une certaine mesure les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l'autorité civile, et cela de telle manière qu'il ne soit reconnu à aucune autre autorité le droit de s'immiscer dans la discipline des écoles, dans le régime des études, dans la collation des grades, dans le choix ou l'approbation des maîtres .
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XLVII. La bonne constitution de la société civile demande que les écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe du peuple, et en général que les institutions publiques destinées aux lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l'Église, de toute influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu'elles soient pleinement soumises à la volonté de l'autorité civile et politique, suivant le désir des gouvernants et le niveau des opinions générales de l'époque.

LV. L'Église doit être séparée de l'État, et l'État séparé de l'Église .

§ VII. Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne.

LVI. Les lois de la morale n'ont pas besoin de la sanction divine, et il n'est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au droit naturel ou reçoivent de "Dieu" le pouvoir d'obliger .

LVII. La science des choses philosophiques et morales, de même que les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l'autorité divine et ecclésiastique .
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LXIII. Il est permis de refuser l'obéissance aux princes légitimes et même de se révolter contre eux.
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§ VIII. Erreurs concernant le mariage chrétien.

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LXVI. Le sacrement de mariage n'est qu'un accessoire du contrat et peut en être séparé, et le sacrement lui-même ne consiste que dans la seule bénédiction nuptiale.
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LXXIV. Les causes matrimoniales et les fiançailles, par leur nature propre, appartiennent à la juridiction civile.

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§ X. Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne.

LXXVII. A notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l'unique religion de l'État, à l'exclusion de tous les autres cultes.

LXXVIII. Aussi c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques, la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de l'exercice public de leurs cultes particuliers.

LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes, et que le plein pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples dans la corruption des moeurs et de l'esprit, et propagent la peste de l'Indifférentisme .

LXXX. Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et transiger avec le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne.

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