Mouvement "Europe & Laïcité"


  

        

Forum sur l'Europe et la laïcité


        

Quelle Europe voulons nous? La laïcité en France et en Europe.


Le questionnaire ci-dessous, (préparé par E. Pion et X. Pasquini) a été publié dans le numéro 150 du Bulletin Europe & Laïcité) et envoyé à des personnalités politiques, syndicales, littéraires et associatives, représentatives des divers courants de l'opinion publique. Un bilan de leurs appréciations et positions sur ce sujet essentiel a été publié dans le numéro 151. Vous en trouverez ci-dessous un extrait.

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Qu'en pensez-vous?

I: La laïcité en France.

F-1 - La stricte séparation des Eglises et de l'Etat vous semble-t-elle garantir la statut laïque des institutions de la République ?

F-2 - Considérez-vous que cette séparation établie en France par la Loi de 1905, doive se traduire par une rigoureuse indépendance de la sphère officielle (Etat, services publics) par rapport à la sphère privée à laquelle ressortissent les croyances et options philosophiques individuelles ?

F-3 - Dans quelle mesure considérez-vous que les personnages officiels de l'Etat sont liés, dans l'exercice de leurs fonctions, par ces considérations ?

F-4 - Considérez-vous que "les laïques" constituent (ou doivent constituer) une communauté identitaire particulière, comme existent des communautés religieuses, culturelles ou/et ethniques?

F-5 - Estimez-vous que l'amarrage à la laïcité institutionnelle et républicaine, concerne, à titre individuel, tous les citoyens, membres égaux de la communauté nationale, en dehors et au delà de toute référence officielle à une appartenance communautaire ethnique ou religieuse ?

II: La laïcité en Europe

E-1 - Est-il souhaitable que l'Union Européenne se dote d'institutions et de règles communes, conformes aux valeurs laïques? Estimez-vous que la construction européenne doive se montrer indifférente, hostile ou favorable à la promotion et à la mise en pratique officielle de la laïcité pour les affaires européennes ?

E-2 - Connaissez-vous notre Charte Européenne de la Laïcité, et si oui, qu'en pensez-vous ?

E-3 - Que pensez-vous des déclarations du pape sur l'absolue subordination des décisions politiques et sociales à l'égard de la loi religieuse ?

E-4 - La laïcité vous semble-t-elle pouvoir constituer un antidote aux attitudes et comportements intégristes ?

E-5 - Considérez-vous que les traités internationaux régissant l'Union européenne doivent intégrer les particularismes dogmatiques et leur accorder des droits spécifiques, ou estimez-vous qu'ils doivent se soumettre à la loi civile commune ?

E-6 - Face à la prolifération des sectes et à une certaine mode de l'irrationnel, quel rôle la laïcité peut-elle jouer au sein de l'opinion ?

III: Quelle Europe voulons-nous ?

M-1 - L'amarrage institutionnalisé du traité de Maastricht à l'économie capitaliste néo-libérale et aux lois du marché, est-il une bonne chose, ou convient-il d'assouplir les dispositions du traité à cet égard?

M-2 - La Banque Centrale Européenne doit-elle conserver intégralement toutes les prérogatives décisionnelles que lui attribuent les dispositions du traité?

M-3 - L'option fédéraliste choisie à Maastricht, qui soumet avec rigueur les instances nationales à des directives leur échappant largement, notamment sur le plan des systèmes socio-économiques et des modalités civiques, est-elle conforme aux intérêts des peuples concernés?

M-4 - Le développement et l'institutionalisation du régionalisme dans les états-membres constituent-ils une voie positive de l'harmonie civique et sociale pour l'Union Européenne?

M-5 - La diffusion, la prise en compte et l'institutionnalisation des idéaux laïques sont-elles garanties par les dispositions et les orientations institutionnelles du Traité de Maastricht?

M-6 - L'Europe doit-elle se garantir contre les influences et dépendances cléricales et confessionnelles?

M-7 - Comment peut-on contribuer à l'élaboration d'une Union Européenne politiquement démocratique, sociale et laïque?

Les réponses


Dans le numéro 151 de Europe & Laïcité on trouvera un bilan des réponses parvenues, et les textes complets des réponses de L. Jospin, H. Caillavet, et J.P. Cot. Ont répondu en particulier C. Cheysson, A. Henry (anciens ministres), M. Agulhon, J.-C. Pecker (Professeurs au Collège de France). Les mises en gras sont de la rédaction.

La réponse de L. Jospin


Sur papier à en-tête: Changeons d'Avenir, Changeons de majorité datée du 17.5.1997

Vous avez bien voulu m'interroger, dans le cadre de la campagne pour les élections législatives, sur la laïcité et l'Europe. Je tiens à vous en remercier sincèrement.

Je partage votre fidélité à l'idéal de laïcité. La laïcité est un de nos grands principes républicains. Elle fonde le pacte social qui permet à toutes les croyances, à toutes les philosophies de vivre en harmonie dans notre pays. Parce que cent ans après l'instauration de l'enseignement laïque, gratuit et obligatoire, trop de communes n'ont pas encore une école publique, parce que les évolutions de notre société portent des risques d'aggravation des inégalités, de l'intolérance et les dangers de l'intégrisme, le combat pour la laïcité est plus que jamais d'actualité comme principe de liberté et de solidarité.

L'Ecole, lieu privilégié de l'intégration et de l'égalité des chances, a la reponsabilité première d'expliquer les valeurs républicaines, de faire comprendre et partager les apports et les enjeux de la laïcité. Elle doit les faire vivre par l'instruction civique mais aussi dans le contenu de l'ensemble des programmes qui doit permettre dans chaque matière la découverte de la diversité culturelle mais aussi de l'unité historique de notre pays.

L'aventure européenne a été conçue par ses fondateurs dès ses lointaines origines, peu après la seconde guerre mondiale, comme porteuse de paix et de démocratie. Le Traité de Rome a naturellement inscrit cette vocation dans ses premiers articles. Le Traité d'Union Européenne, ou traité de Maastricht a dans son préambule confirmé "l'attachement" des signataires, "aux principes de la liberté, de la démocratie, des droits de l'Homme, des libertés fondamentales et de l'Etat de droit [...] dans le respect de l'histoire, de la culture et de la tradition" des peuples concernés. Les textes sont donc sans équivoque concernant les valeurs auxquelles vous êtes à juste titre attachés. L'Union européenne repose sur un socle de principes, dont le pluralisme politique, moral et culturel qui est le nôtre comme celui des pays membres.

Le traité est un engagement pris par les gouvernements des pays membres de la Communauté européenne destiné "à renforcer l'efficacité du fonctionement des institutions, leurs économies et le progrès économique et social de leurs peuples".

Ces engagemens qui ont été actés et signés par les gouvernements doivent être tenus. C'est en tout cas la volonté des socialistes. J'ai eu l'occasion de dire comment je voyais les choses et les raisons qui nous pousseraient à bloquer le traité si la monnaie unique n'était pas mise en ¦uvre dans cet esprit.

Je suis pour l'euro, parce que les Européens doivent se battre à armes égales face au dollar et au yen. Mais, on ne peut pas faire n'importe quoi. Pour réussir ce grand défi, la France doit discuter avec ses partenanires. Elle doit veiller à ce que l'Espagne et le Portugal ne soient pas oubliés. Elle doit obtenir un niveau de parité acceptable avec les autres grandes devises et éviter que l'euro soit surévalué. Elle doit veiller à ce que la Banque centrale européenne soit contrôlée politiquement et à ce que l'euro soit l'instrument d'une dynamique européenne forte, d'une politique de croissance et d'emploi. Ce sont ces conditions que les socialistes ont définies. Ils auront à les faire respecter.

Nous devons refuser la société que nous propose la droite. Le chômage la ronge, les inégalités la divisent. Nous ne nous résignons pas à cette régression qui met en cause les valeurs autour desquelles la République s'organise et auxquelles vous êtes, à juste titre, profondément attaché. Nous voulons nous tourner résolument vers le futur avec l'ambition de changer véritablement d'avenir, de construire une société solidaire et moderne. Pour vous convaincre de la justesse de nos propositions je vous adresse ci-joint le programme du Parti socialiste. [Salutations]

Remarques de B. Courcelle sur cette lettre: Cette lettre me déçoit mais ne me surprend pas: le mot laïcité ne figurait pas dans le programme du PS des législatives de mai 1997.
Le questionnaire évoquait la laïcité de l'Etat: Jospin n'en dit rien du tout, il évoque deux points liés à l'enseignement: l'absence d'écoles publiques dans certaines communes et une nécessaire instruction civique. Je suis d'accord avec ce qu'il écrit, mais pour en rester au domaine scolaire, il se gardent d'évoquer plusieurs sujets importants: l'enseignement des religions, les foulards islamiques, les subventions trop larges à l'enseignement privé.
Sur la laïcité des institutions européennes, je ne vois guère de réponse sur le fond. Le rappel du Traité de Maastricht est limité à quelques grands principes; la phrase: "dans le respect de l'Histoire, de la culture et de la tradition" peut s'interpréter de la façon suivante: on préserve la laïcité en France, sans toucher au statut d'exception de l'Alsace-Moselle (au nom des traditions, notion dangereuse entre toutes), et on ne fait rien pour promouvoir la laïcité en Europe.
Sur les aspects économiques du Traité, il rappelle sa position sur l'euro, mais n'évoque pas directement la lutte nécessaire contre la dictature des marchés financiers.

Extraits de la réponse de H. Caillavet, sénateur.

[...] En France, nous devrions revenir à la stricte séparation des Eglises et de l'Etat, et sans aucun doute, parvenir à l'abrogation des lois concordataires concernant la Moselle et l'Alsace, ainsi que des règlements concernant la Guyane.
La laïcité est protectrice de l'unité nationale. Par contre, elle rejette les interventions comme les influences religieuses, dans la cité, dans la société civile. Les personnalités exerçant une charge publique de la plus haute à la plus modeste, se doivent par conséquent de s'abstenir de toute manifestation individuelle de croyance. Pour autant, la nature même de la laïcité -- morale ouverte et altruiste -- s'oppose à l'évidence à la création d'une communauté spécifique laïque.
Au plan européen, je souhaite que l'Union se dote de règles communes conformes au principe de la laïcité. Pour parvenir à la défense et à l'illustration de celui-ci, il faut une volonté politique. En cela, la Charte Européenne de la Laïcité [...] me paraît juste, lucide et féconde. Elle constitue un barrage éthique convenable face aux comportements agressifs des sectes et des religions, tant il est vrai qu'aucune loi laïque ne saurait être minorée et infériorisée par rapport à une prétendue loi divine. En démocratie, la loi repose sur la volonté nationale et non sur la croyance en Dieu.
[...] Trop souvent altérée par l'esprit clérical, la laïcité se doit donc de lutter contre toutes les indignités et irrationalités, causes de la plupart des maux dont nous souffrons, et se doit aussi, a fortiori, de combattre l'esprit des sectes qui polluent la pensée, altérant dès lors le libre arbitre, la responsabilité et la condition humaine.

H. Caillavet est président de l' Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité et président d'honneur du Comité National Laïcité République.

Extraits de la réponse de J.P. Cot, député européen et ancien ministre.


[...] Pour ma part, je crois que la laïcité est parfaitement compatible avec les traités européens. [...] la laïcité dans la mesure où elle est un instrument d'ouverture, d'intégration, de tolérance, mais non une laïcité d'exclusion, de repli national.
Vous avez raison de mettre en garde contre les dangers du communautarisme. Cette politique n'est pas conforme à notre tradition d'intégration nationale. Il n'est pas question de laisser imposer une telle politique au niveau européen. D'autres nations peuvent avoir une politique différente. Je pense qu'elles courent, ce faisant, le risque d'encourager tous les intégrismes. Cependant, nous ne pouvons pas davantage leur imposer notre modèle d'intégration que nous ne pouvons accepter qu'elles nous dictent leur loi. [...]
Enfin, il nous faut être vigilants quant à la renaissance du cléricalisme et de l'intégrisme en Europe. Les propositions avancées relatives à la reconnaissance officielle des églises en Europe sont inacceptables, tout comme les tentatives d'inscrire dans les directives ou résolutions européennes les éléments du dogme intégriste le plus rétrograde.
Nous vivons une période dangereuse, de remise en cause des conquêtes les plus importantes de ces dernières années: égalité des sexes, droit à la différence, liberté d'expression, transparence des pouvoirs publics. Ce combat doit être mené au niveau national comme au niveau européen. Je crois qu'il ne pourra être efficace que si nous lui donnons hardiment toute sa dimension européenne.

Analyse globale.

1. Quelle laïcité?

Toutes les contributions convergent sur l'importance de la Laïcité pour l'Europe.
La diversité des cultures et des religions en Europe,
la nécessité de ne pas laisser l'Union Européenne devenir l'enjeu d'influences dogmatiques, intégristes et/ou cléricales,
l'urgence de créer les conditions de coexistence pacifique entre des communautés de plus en plus mêlées,
l'importance vitale de la séparation de la sphère privée de la religion et du domaine public et institutionnel,
le besoin de neutralité de la puissance publique européenne vis à vis des croyances et des confessions, ...
toutes les réponses attestent et justifient l'attachement de nos correspondants à la notion de laïcité. Celle-ci est diversement dénommée, qualifiée et conçue, c'est-à-dire de façon plus ou moins idéologique (civisme républicain ou philosophie conceptuelle). Tous affirment leur refus de toutes les formes de sectarisme et d'intolérance. Beaucoup mettent en garde contre les dérives et les excès des religions versant dans le cléricalisme, le prosélytisme et le communautarisme confessionnel.
Dans ce cadre éthique, moral et idéologique, chacun considère que la Laïcité peut et doit devenir une des bases de l'Union Européenne. L'approbation de la Charte Européenne de la Laïcité est quasi unanime, les réticences exprimées ne portant que sur des points de détail

Rares sont les points de vue exprimant la nécessité de la symbiose de la sphère publique avec les influences issues du domaine religieux.

2. Quelle Europe construire?

Deux orientations différentes s'affirment dans presque toutes les réponses aux diverses questions posées:

- un petit tiers des personnes environ ayant répondu expriment une approbation confiante et presque sans réserve du contenu du traité de Maastricht et des modalités institutionnelles, tout en souhaitant qu'un volet social aux perspectives affirmées, compense les risques d'outrance d'un libéralisme économique excessif;
- deux grands tiers des correspondants s'affirment au contraire beaucoup plus critiques, à la fois sur les modalités institutionnelles, sur les "critères de convergence", sur la monnaie unique, sur la Banque Centrale Européenne, sur la domination politique des puissances d'argent et sur les conséquences sociales, à leurs yeux très négatives et inévitables, de l'ensemble de la construction issue du Traité; ils ne récusent pas l'idée européenne, mais souhaitent que se mette en place une Union européenne fondée sur d'autres valeurs et conçue dans d'autres perspectives.

Parmi les anciens ministres ayant répondu au questionnaire, et à part H. Caillavet, très rigoureux dans ses critiques, la plupart d'entre eux s'affirment plus ou moins favorables au contenu du Traité de Maastricht, avec quelques réticences marginales. A noter que L. Jospin se déclare prêt à récuser l'orientation globale des perspectives européennes, si le volet social n'est pas clairement affirmé; A. Henry plaide (dans le même sens) pour une accentuation des influences associatives et syndicales. Il est à noter que ces déclarations ne s'accompagnent pas de propositions précises ni d'engagements solennels.

Voir aussi: nos réponses à des questions souvent posées sur la laïcité.

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Dernière mise à jour: 1 novembre 1997