Mouvement
"Europe & La?cit?"


  

R?ponses ? des questions souvent pos?es sur la la?cit?

(3/3; ce document est r?parti sur 3 fichiers; version du 25.12.1997)


  

Sommaire g?n?ral et acc?s rapide aux diff?rents chapitres:

Les questions suivantes concernent principalement la France, alors que celles des chapitres pr?c?dents concernent tous les pays, europ?ens ou non.

E) Questions scolaires


Question E 1: Ne faut-il pas enseigner les religions dans les ?tablissements publics scolaires, de fa?on beaucoup plus approfondie que dans le cadre des actuels programmes primaires et secondaires ? Non seulement cela donnerait aux jeunes une plus grande ouverture culturelle, mais en outre cela permettrait de lutter contre les sectes qui exploitent un besoin de spiritualit?, non pris en compte dans la culture officielle actuelle.

Notre r?ponse : Le r?le de l'?cole n'est pas de tout enseigner, mais d'apprendre ? apprendre, d'ouvrir l'esprit et non de le remplir, de pr?parer les jeunes ? d?couvrir par eux-m?mes, au gr? de leurs rencontres culturelles et sociales. Pour cela, il convient de d?velopper le recours ? la raison, l'esprit critique, la libre interpr?tation, la connaissance scientifique, la r?flexion philosophique, la sensibilit? artistique, l'attachement ? l'autonomie de pens?e. Il importe aussi de fournir aux jeunes des occasions de rencontres humaines diversifi?es, en sortant de leur milieu socio-culturel et pour cela le r?le des familles est d?cisif.
La d?marche religieuse se fonde sur la notion de v?rit? r?v?l?e, r?put?e indiscutable et exempte de toute probation; elle est fondamentalement dogmatique, donc contraire ? l'esprit de l'enseignement la?que. Elle appartient ? un autre domaine sans aucune commune mesure et m?me totalement en contradiction (sur le plan philosophique) avec les finalit?s d'une p?dagogie de la Raison et de l'intelligence critique.
Par ailleurs, si dans les ?coles publiques, on enseignait en d?tail les religions, il faudrait aussi enseigner les multiples raisons de r?cuser les croyances et de combattre les religions, car ce sont des attitudes philosophiques tout aussi respectables que la foi. La compr?hension, la l?gitimation et la revendication de la non-croyance et de l'ath?isme n?gateur de tous les mysticismes, devraient alors trouver place dans les programmes scolaires offerts ? tous les ?l?ves. Dans les ?tablissements publics d'enseignement (en principe neutres parce que la?ques), cela engendrerait dans le v?cu scolaire, une situation de conflit, de choix oppos?s, toutes sortes d'oppositions internes tr?s d?stabilisantes pour l'harmonie interne et la paix scolaire. Le moment venu, dans le cadre actuel des programmes existants, les enseignements de l'histoire, de la philosophie, de la litt?rature, de l'?ducation au civisme, et de la morale la?que, apportent les mat?riaux n?cessaires ? une libre r?flexion et ? des choix personnels qu'il ne faut pas pr?cipiter.
L'influence de la famille sur la sensibilit?, les croyances et les interrogations des enfants est in?vitable, compte tenu du fait que certains apprentissages fondamentaux (langage, vie en soci?t?, affectivit?, culture) se fondent dans le cadre familial. Les lacunes explicatives fr?quentes (et difficilement ?vitables) du milieu familial, peuvent ?tre compens?s par des occasions de rencontres d'autres enfants issus d'autres milieux culturels : c'est une ?cole neutre sur le plan religieux qui peut offrir ces occasions de libres rencontres et confrontations, exemptes d'affirmations dogmatiques.
Il faut ?viter que l'environnement familial enferme l'enfant dans une voie univoque, et l'enserre dans des traditions rigides, exclusives et n?gatrices d'autres sensibilit?s. L'?cole et l'enseignement la?ques offrent l'ouverture n?cessaire, sans rien imposer, tout en leur permettant de prendre conscience de la diversit? des traditions, des cultures et des modes de pens?e. Ce n'est pas pour autant qu'il faille livrer les ?l?ves ? des actions de pros?lytisme visant ? favoriser chez eux des tendances ? la croyance li?e ? l'irrationnel : l'?cole n'a ? enseigner ni le petit J?sus, ni le p?re No?l.
On sait que certaines familles traditionnalistes tiennent absolument ? inculquer ? leurs enfants des "explications" dont elles se sont elles-m?mes lib?r?es, ou qu'elles redoutent de remettre en cause... C'est le culte des "racines" ins?parable ? l'enfermement communautaire.
L'enseignement la?que n'a pas vocation ? combattre ces influences, ni ? en prendre le relais. Certes, il n'est pas possible de m?conna?tre les traditions, ? condition de les expliquer culturellement, sans y encha?ner l'enfant: cette ?ducation faite de libre appr?ciation et d' interpr?tation personnelle est le propre de l'action culturelle la?que. Les enfants ont droit ? l'acquisition progressive de la pratique de la libert? de conscience. L'?cole la?que peut leur donner les moyens intellectuels d'y parvenir en toute libert? et dans le respect des traditions et sensibilit?s de leur milieu familial et social.
Accro?tre et approfondir l'enseignement des croyances ? l'?cole la?que m?nerait in?vitablement ? sp?cialiser certains ma?tres ou ? faire appel ? des intervenants ext?rieurs, dans le cadre de "l'?cole ouverte sur la vie" : ces intervenants sp?cialis?s, on devine ais?ment qui ils seraient!
L'histoire des religions par contre a tout ? fait sa place dans un enseignement faisant appara?tre les mouvements religieux comme des ph?nom?nes de civilisation et de soci?t?, susceptibles du m?me type d'analyse que l'histoire des id?es, les guerres et le d?clin des empires.

Question E2: Quelle est votre position sur les affaires de foulards islamiques dans les ?tablissements d'enseignement public ?

Notre r?ponse: Le refus pur et simple, assorti de toutes les explications n?cessaires pour en justifier l'interdiction aupr?s des int?ress?s (familles, ?l?ves et enseignants).
Accepter les "foulards" ? l'?cole la?que,
-- c'est accepter ce qu'ils repr?sentent, c'est ? dire la soumission des jeunes filles (et des femmes) ? des r?gles d?cid?es par des hommes dogmatiques: des religieux, des p?res de familles, des fr?res a?n?s, etc... ; c'est donc les inciter, en raison de leur f?minit?, ? accepter leur statut d'inf?riorit? culturelle, civique et sociale, et se r?soudre ? sa manifestation publique, aux yeux de tous, dans le cadre d'une institution la?que fond?e sur l'?galit? des droits et la libert? garantie ? toutes et ? tous: c'est rigoureusement inacceptable
-- C'est accepter qu'une "communaut?" ethnico-religieuse, impr?gn?e d'int?grisme (ou de fondamentalisme), impose ses r?gles particuli?res, contraires au principe de l'unicit? des lois r?publicaines. En fait, la revendication du port du foulard dans l'enseignement la?que, est la premi?re d'une s?rie d'exigences: refus pour les jeunes filles des activit?s sportives, des cours de sciences naturelles, et (au sein de la famille) le mariage forc?...!
-- Toute ?cole la?que doit ?tre un havre de paix, d'ind?pendance et de dignit? pour chaque ?l?ve qui n'y est pas consid?r?(e) en tant que membre d'une communaut?, mais en tant que futur(e) citoyen(ne), libre de ses choix et assur?(e) du respect d? ? sa personnalit? humaine. A l'int?rieur d'un ?tablissement la?que, chacune et chacun doit ?tre assur? de pouvoir rencontrer d'autres individus lib?r?s de tout signe ostensible d'appartenance ? une religion ou ? un parti politique.
Si l'on accepte le port du foulard islamique, ou de la kippa, ou d'un crucifix, impos? par certaines familles fondamentalistes, d'autres vont vouloir affubler leurs enfants d'un insigne politique (voire d'un brassard nazi ).
Refuser le port du foulard ? l'?cole publique fran?aise, c'est :
-- D?fendre les droits de la condition f?minine
-- Permettre aux femmes et filles musulmanes de s'int?grer et/ou de s'assimiler ? la soci?t? environnante, si elles le souhaitent.
-- Mettre les enfants ? l'abri des pressions de leurs milieux d'origine, au moins pendant le temps scolaire
Les marques d'appartenances, aussi bien religieuses que politiques, sont donc ? proscrire au sein des ?tablissements publics d'enseignement. Il est ? noter que certains pays musulmans (Tunisie, Egypte notamment) interdisent le port du voile dans leurs ?tablissements scolaires publics et soutiennent les enseignants fran?ais luttant contre le port du voile. (Voir A. Finkelkraut: "La d?faite de la pens?e", collection Folio).

Question E3: La libert? de l'enseignement est purement formelle (ou r?serv?e aux seuls riches) si l'enseignement priv? n'est pas subventionn?. A votre avis, o? se situe le juste niveau de subventionnement ?

Notre r?ponse: En th?orie et dans l'absolu, ? notre avis, le juste niveau est l'absence totale de subventions publiques: celui qui ne veut pas b?n?ficier d'un service public gratuit et ouvert ? tous, a le droit de s'offrir ? ses frais une utilisation payante d'un service priv? de substitution ou de compl?ment. Le fait que seuls les milieux ais?s ou riches peuvent s'offrir ce luxe concerne la fr?quentation scolaire comme tout autre privil?ge li? ? la fortune.
Par ailleurs la v?ritable libert? de l'enseignement exige l'ind?pendance financi?re des ?tablissements priv?s, par rapport ? la puissance publique. L'abb? Lemaire, d?put? catholique de la III?me R?publique, r?cusait pour cette raison tout financement public aux ?coles priv?es.
L'enseignement public est tol?rant puisqu'il est religieusement neutre, et qu'il laisse une journ?e hebdomadaire de libert? aux enfants qui fr?quentent ses ?coles, afin qu'ils puissent suivre, si leurs familles le souhaitent, un enseignement religieux facultatif, hors de l'?cole publique.
Le monopole ?tatique de l'enseignement serait, lui, intol?rant puisqu'il interdirait l'existence d'?coles priv?es : ce n'est pas le cas en France, et ce ne l'a jamais ?t?. Ce n'est pas non plus notre position. La position id?ologique raisonnable et mesur?e est, selon nous :

Fonds publics ? l'?cole publique, fonds priv?s ? l'?cole priv?e.

et ce principe doit s'assortir d'un contr?le de l'Etat sur le contenu de l'enseignement priv?, et sur le recrutement des enseignants. Personne ne conteste que l'Etat v?rifie la qualit? biologique des aliments produits par l'industrie agro-alimentaire priv?e.
Les compromissions accept?es par certains partis politiques en principe attach?s ? la la?cit?, sont dues ? des pr?occupations ?lectoralistes (et d'ailleurs ces renonciations se sont av?r?es fort peu payantes, les familles clientes par conviction religieuse de l'enseignement priv?, ?tant presque toutes, et en tout ?tat de cause, membres de l'?lectorat conservateur ou r?actionnaire.)
Mais la Loi existe, qui (dans l'h?ritage du r?gime de Vichy) a institu? les subventions publiques aux ?coles priv?es, aussi anticonstitutionnelles soient-elles. Force est de l'appliquer tant qu'elle ne sera pas abrog?e (r?vons un peu...!) On peut en limiter les effets pervers en r?glementant ? l'extr?me ses modalit?s d'application, ce qui est l?galement plus facile, ... en principe, et ce qui serait conforme ? l'int?r?t g?n?ral majoritaire.

Question E4: Que pensez-vous du fait que l'enseignement public fran?ais, beaucoup trop uniformis?, se r?v?le incapable de r?pondre aux besoins des enfants n?cessitant des p?dagogies diff?renci?es, alors que l'enseignement priv?, lui, s'av?re bien mieux apte ? ces missions ?ducatives?

Notre r?ponse: L'assertion contenue dans la question est enti?rement fausse. Il existe de nombreux ?tablissements publics appliquant des p?dagogies d'avant-garde, ou sp?cifiques ? certains besoins ?ducatifs. L'Education Nationale d?ploie de nombreuses activit?s de recherche et d'innovation p?dagogique. Elle compte d'innombrables enseignants sp?cialis?s dont les r?sultats sont d'une efficacit? et d'une qualit? remarquables. En outre, dans l'enseignement public, toutes les entreprises de p?dagogie moderne sont men?es dans le but de profiter ? toutes les cat?gories sociales, en dehors de tout souci de b?n?fice commercial, ce qui n'est pas le cas de l'enseignement priv?.
Les difficult?s de l'Education Nationale proviennent de plusieurs causes: il y a encore trop de classes surcharg?es, la formation des ma?tres n'est pas toujours ? la hauteur des besoins du service. C'est donc un probl?me de cr?dits et de ressources, ce qui rend encore plus insupportables les subventions aux entreprises priv?es d'enseignement. D'autre part, l'?cole accueille des enfants dans des situations familiales d?sastreuses: pauvret? (des SMICards, "working poors"), ch?mage, s?paration, maladies physiques ou mentales, hostilit? ? la soci?t?, marginalit?. La meilleure p?dagogie ne peut rem?dier ? ces situations d'?chec, vu le temps finalement assez bref que les enfants passent ? l'?cole.
On ne saurait se r?signer ? ce que le "priv?" constitue un substitut aux carences (?ventuelles) d'un enseignement public d?pourvu des moyens n?cessaires ? son bon fonctionnement. En cas de difficult?s p?dagogiques ou psychologiques pour certains enfants, le service public doit ?tre le recours du public.
C'est possible dans le cadre:
- d'un syst?me d'?ducation assoupli dans ses modalit?s de fonctionnement
- d'une suffisance de cr?dits de fonctionnement et d'?quipement.
Dans le m?me esprit, il est indispensable de multiplier les internats la?ques pour les enfants de familles en situations d'incapacit? ?ducative.

Note: Ces r?flexions visent ? r?pondre aux questions qui sont r?guli?rement pos?es dans les d?bats sur la la?cit?. Nous souhaitons qu'elles suscitent les r?actions de nos lecteurs, afin que le d?bat reste ouvert.

F) Bibliographie et ressources sur l'Internet

J. Baub?rot: Pour un nouveau pacte la?que, ?d. Seuil, 1990; (Historique utile; plaidoyer pour la la?cit? "ouverte", cf. Question A.3)
P. Berg?, L'affaire Clovis, Plon, ao?t 1996, (une vue d'ensemble des remises en cause r?centes de la la?cit? en France; ?crit avant la visite du pape)
J. Boussinecq, La la?cit? fran?aise, m?mento juridique, Collection Points, Le Seuil, 1994 (Tr?s bon livre pour ceux qui aiment la pr?cision.)
F. Brunnquell, Les associations familiales, combien de divisions ?, 1995, Ed. Dagorno, Paris. (Sur les dangers du cl?ricalisme: ce petit livre montre les liens entre les Associations Familiales Catholiques, la F?d?ration des Familles de France, l'Opus Dei, le Front National, les royalistes et les nostalgiques de P?tain, et leur conspiration en vue du retour ? l'Ordre Moral.)
C. Colonna-Cesari, Urbi et Orbi, Enqu?te sur la g?opolitique vaticane, Ed. La D?couverte, Paris, 1992. (Sur les dangers du cl?ricalisme ? l'?chelle plan?taire.)
G. Coq, La?cit? et r?publique: le lien n?cessaire, Ed. du F?lin, Paris, 1995. (Ouvrage d'un catholique hostile ? l'enseignement confessionnel et tenant de la la?cit? "ouverte", cf Question A.3)
A. Finkelkraut, La d?faite de la pens?e, Folio (Sur le communautarisme).
V. Forrester, L'horreur ?conomique, Fayard 1996. (extraits en ligne).
J.M. Gu?henno, La fin de la d?mocratie, "Champs no 322", Flammarion, 1993-95, ( extraits en ligne, sur le site personnel de B. Courcelle)
J.C. Guillebaud, La trahison des lumi?res, Le Seuil, 1995 (Paru en collection de poche)
G. Kepel: La revanche de Dieu, Points-Actuels, Seuil, Paris, 1991.
C. Kintzler, La R?publique en questions, ed. Minerve, 1996 (Une approche philosophique de la la?cit?.)
R. Labrusse, La question scolaire en France, Collection Que sais-je? no 864, 2i?me ed. , 1997.
J. Lalouette: La Libre-Pens?e en France 1848-1940, Albin Michel,1997, 636 p., 180F. (Voir aussi la page sur la Libre-Pens?e.)
E. Pion: L'avenir la?que, Deno?l, Paris, 1991 (ISBN 2-207-23916-0; 300p. , 140F) ( extraits. en ligne)
R. R?mond: Histoire de l'anticl?ricalisme en France de 1815 ? nos jours, Ed. Complexe, 1985.
(Cet ouvrage tr?s complet contient de larges extraits de textes.)
R. Trousson: Histoire de la libre pens?e, des origines ? 1789, "Espace des libert?s", Centre d'Action La?que, Bruxelles, 1993.
F. Venner, L'opposition ? l'avortement, du lobby au commando, 1995, Berg International.
(Les associations cit?es ont attaqu? ce livre en justice mais la plainte a ?t? jug?e irrecevable en mai 1996.)

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